En 25 ans, les institutions culturelles gérées par Culturespaces n’ont jamais été déficitaires. Bruno Monnier, le Président de Culturespaces, lève le voile sur les méthodes de gestion du premier opérateur culturel privé français.

Survivre sans subventions, mission possible

Dans un contexte de baisse progressive des subventions accordées par l’État aux musées français, trouver de nouvelles sources de revenus et équilibrer son budget devient vital pour de nombreuses institutions. « Le déficit financier des institutions culturelles n’est pas une fatalité », déclare Bruno Monnier. Pour le Président de Culturespaces, les professionnels de la culture peuvent optimiser leurs ressources sans négliger pour autant la qualité de la production muséale. Bruno Monnier en veut pour exemple le Palais de Tokyo, qui a su allier un modèle de gestion « original et efficace » et une programmation exigeante qui fait le bonheur des férus d’art contemporain. Sa recette ? L’exploitation commerciale d’une partie de ses surfaces. Restaurants, boutique et boite de nuit garantissent au Palais de Tokyo des revenus complémentaires qui lui permettent d’équilibrer ses finances sans avoir besoin d’attirer un vaste public. « Tout dépend de la fréquentation de l’institution, de l’affectation des surfaces et du mode de gestion choisi », résume Bruno Monnier.

Le Président de Culturespaces a, lui, opté pour un modèle de gestion global, professionnel et en réseau.  Son avantage ? « Optimiser nos ressources et mieux maîtriser nos charges ». La preuve par les faits, puisque Culturespaces va jusqu’à verser des redevances aux institutions propriétaires qui lui confient la gestion culturelle et économique de leur établissement.

Optimisation des ressources et mutualisation des coûts : le modèle Culturespaces

Premier volet de la recette Culturespaces : les ressources. « Nous avons mis en place une série de mesures très concrètes pour les optimiser », indique Bruno Monnier. Et de citer l’ouverture sept jours sur sept, qui permet d’augmenter mécaniquement la fréquentation d’environ 15%. Autre parti-pris de Culturespaces : faire de l’expérience visiteur le point central de la mise en valeur des espaces et des collections. « Nous nous demandons constamment quelle sera l’expérience vécue par le public. La qualité de cette expérience conditionne la fidélisation des publics. Tous les sites ont le certificat d’excellence TripAdvisor ». Restaurants et librairies-boutiques, qui font aussi partie intégrante de l’expérience client, sont gérés directement par les équipes de Culturespaces. Côté expositions, Bruno Monnier mise sur une programmation culturelle originale et attractive, susceptible de toucher un large public. Plus de 60% des recettes de Culturespaces viennent ainsi de la billetterie. « Nous avons développé une gestion très fine de la billetterie, avec des tarifs spéciaux selon les jours, les horaires, les différentes catégories de visiteurs. » Pour susciter l’intérêt du public, Culturespaces a fait de la communication un pan essentiel de sa stratégie. Avec des campagnes sur de multiples segments (affichage, internet, réseaux sociaux, télévision, radio, cinéma…) qui représentent en moyenne 10% du budget de l’exposition, la communication est stratégique – et non « la queue d’un budget » comme le précise le Président. En dehors des horaires de visite, Culturespaces privatise les espaces. « La privatisation permet de générer des recettes substantielles à forte marge », indique Bruno Monnier.

La part du mécénat dans les recettes de Culturespaces ? « Le mécénat est un complément de financement pour des expositions importantes, sans lequel elles ne pourraient pas être montées ». Mais il ne représente globalement qu’une part « très accessoire » du budget de Culturespaces.

Second volet abordé par Bruno Monnier pour équilibrer son budget : maîtriser les dépenses. Un maximum de 35% du budget de Culturespaces est affecté au personnel, que Bruno Monnier décrit comme « qualifié et polyvalent ». Une polyvalence essentielle aux yeux du Président : « diversifier les tâches contribue beaucoup à la motivation des équipes, et permet également d’optimiser les coûts d’exploitation ». Une hôtesse qualifiée passera de la librairie à la billetterie, puis pourra accompagner un groupe d’enfants. Pour assurer la surveillance de ses sites, Culturespaces mise autant sur la vidéosurveillance que sur le gardiennage physique, souvent très coûteux.

Autre élément clé pour l’optimisation des dépenses : le modèle en réseau développé par Culturespaces. « Nous fonctionnons comme un réseau d’une dizaine d’établissements, ce qui nous permet de mutualiser nos services au siège et de réaliser des économies substantielles. » Parmi les grandes synergies, Bruno Monnier cite notamment la communication, les services administratifs et financiers, la centrale d’achat des libraires et les équipes d’encadrement des restaurants. « Ce modèle nous aide à la fois à renforcer nos expertises et à réaliser des économies d’échelle. »

Culturespaces, jamais déficitaire en 25 ans

Les performances de Culturespaces semblent valider ce modèle de gestion en réseau et centré sur l’expérience du visiteur. « Sans aucune subvention, Culturespaces n’a jamais été déficitaire dans son histoire ». Et ce, que ce soit en gérant « avec un grand souci de qualité » des lieux aussi variés qu’une villa et ses jardins, un musée de l’automobile, des monuments romains, ou encore un musée des Beaux-Arts. Bruno Monnier reconnaît cependant que ce modèle n’est pas universel : « en-dessous de 150 000 visiteurs par an, il est difficile de se passer de subvention ».

Pas de subvention, donc, pour Culturespaces, qui verse au contraire des redevances. Des bénéfices financiers parfois vus d’un mauvais œil. « Certains considèrent comme indécent le fait d’être rentable lorsque l’on gère un établissement culturel. Mais cela pose-t-il un problème dans d’autres secteurs de la culture comme l’édition, la musique ou le cinéma, qui sont également des activités artistiques essentielles ? J’espère beaucoup que le vent de modernité qui souffle depuis quelques mois va faire évoluer les mentalités. » Une part importante de ces redevances sont affectées à la rénovation des monuments, et contribuent ainsi à la préservation du patrimoine. Un cercle vertueux d’équilibre budgétaire, où créativité et professionnalisme sont de rigueur.