Le catalogue d’exposition ? Bien plus qu’une tradition. Bernard Steyaert, Managing Director de la maison d’édition belge Fonds Mercator, décortique ce support incontournable. Pour lui une chose est sûre : si le catalogue et son processus de création évoluent, ils ne sont pas prêts de disparaître.

 « La plupart des musées se doivent aujourd’hui d’être rentables »

Traditionnellement, les catalogues d’exposition se divisent en deux catégories. D’un côté le catalogue grand public, « qui met davantage l’accent sur les images avec une place plus réduite des textes », et dont le prix est généralement fixé autour de 25€. Et de l’autre, la version plus académique. Avec des livres de plus de 200 pages, « plus chers et davantage destinés aux connaisseurs. » Un format autrefois plébiscité par les musées souvent « très subsidiés et qui ne se souciaient pas des pertes ».

Depuis plusieurs années, Bernard Steyaert note une démocratisation du modèle grand public en Europe. Un phénomène qui s’explique d’une part par l’augmentation du temps de loisir, de la fréquentation des expositions, et par le fait « que les musées se doivent aujourd’hui d’être rentables. »

La démocratisation du format grand public n’empêche cependant pas les musées de continuer à produire des ouvrages plus conséquents. « Nous avons réalisé un gros catalogue sur une exposition itinérante de l’artiste Alice Neel. Bien que le livre soit relativement cher, il se vend très bien et a été traduit en cinq langues et publié en sept versions ! » Boosté par les étapes d’une exposition qui a circulé en France et à l’étranger, les ventes du catalogue ont été un véritable succès. « Dans le cadre de grosses expositions, le catalogue académique reste économiquement faisable. » Pour satisfaire à la fois le grand public et les fins connaisseurs d’art, un nouveau modèle se développe : un catalogue au format intermédiaire. « Le musée Jacquemart-André propose notamment un très bon entre deux sur la taille et le contenu de ses catalogues. »

Partenariats, coédition, le catalogue continuera de sortir

Le format du catalogue évolue, son processus de réalisation aussi. Pour faire face aux contraintes budgétaires, les musées privilégient désormais la coédition ou le partenariat éditorial, et travaillent avec des éditeurs. « En tant qu’éditeurs, nous leur apportons notamment notre réseau de distribution à l’international, ainsi que notre capacité à produire un catalogue rapidement et en plusieurs langues », souligne Bernard Steyaert. « Le catalogue a de la valeur de par son contenu, son aspect, sa texture… Qu’on le lise avant ou après l’exposition, il est amené à durer dans le temps. »

D’où la nécessité de produire un contenu de qualité. Pour cela, l’éditeur compte sur son réseau de rédacteurs et de graphistes pour réaliser un produit qui répondra aussi bien aux attentes du musée que de l’artiste lorsqu’il est vivant. Pleinement impliqué dans le processus de réalisation, il s’assure que « le travail du graphiste correspond à ce qu’il souhaite faire, et ne fasse pas d’ombre à l’œuvre. » Pour réaliser un catalogue sur l’Antiquité romaine, impossible de solliciter l’artiste. « Tout se joue donc sur le choix du graphiste », souligne Bernard Steyaert.

C’est pourquoi le Fonds Mercator travaille avec 15 graphistes indépendants ayant chacun leur spécialité, « des arts africains à l’art contemporain. » Cette pratique relativement courante dans le monde anglo-saxon « laisse place à l’improvisation et apporte un côté nouveau pour chaque livre ».

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Quand la technologie sauve le papier

L’arrivée des nouvelles technologies et de la digitalisation n’inquiètent pas Bernard Steyaert, qui ne doute pas de la pérennité des catalogues d’exposition. Les essais déjà menés pour proposer au public un modèle digital, « n’ont pas beaucoup marché. Le catalogue est un objet à part entière, que l’on aime pouvoir toucher. » Loin d’être une menace, la technologie a sauvé le catalogue papier dans les années 1980-1990. « La digitalisation du traitement des textes, de la photogravure et de l’impression, a permis de faire baisser les coûts de fabrication technique des livres et a recréé un nouvel équilibre alors que le marché était bouleversé par l’arrivée de catalogues à prix réduits. »

Si la technologie ne remplace pas le papier, elle peut le compléter. Bernard Steyaert se souvient d’un livre d’art sur la danseuse et chorégraphe Anne Teresa de Keersmaeker « assez atypique ». Il explique, « en plus des textes et des images, nous avons ajouté un CD regroupant des interviews de la danseuse et de sa troupe Rosas, un véritable succès ! » Contenu digital didactique et papier marchent lorsqu’ils sont liés. À quand des QR codes ou de la réalité augmentée dans les pages des catalogues ? « Cela peut être une opportunité, à condition que l’exposition s’y prête. » Une chose est sûre, le catalogue a encore de beaux jours devant lui !